Liberté
Ce texte comme beaucoup de mes autres "cailloux" a d'abord été écrit pour introduire un Thema de la revue Ecrits...Vains? cailloux
Libres à nous ?

"Quand on ouvre la porte
à un chien longtemps enfermé
on pense qu'il va rester sur le trottoir
Mais il traverse la rue
et se fait écraser."

Jean L'Anselme - La Liberté

 

Drôle d'introduction me direz-vous à un mot si vivifiant, si porteur d'élan et d'espoir. C'est que la liberté est un sujet presque trop sérieux pour être confié à de simples mortels comme nous ! A mon sens c'est l'un des concepts les plus difficiles à définir, à cerner. Même la vérité, grande perturbatrice devant l'éternel est plus facile à mettre en mots.

La liberté touche au plus profond au plus intime de notre âme. Elle rejoint ces limbes amiotiques et ce premier souffle de vie qui nous rape le gosier. Elle est quelque chose de si personnel qu'elle en devient intrasmissible.

"C'est de liberté qu'il s'agit ici, Fogg. Un sentiment de désespoir qui devient si grand, si écrasant, si catastrophique qu'on n'a plus d'autre choix que d'être libéré par lui. C'est le seul choix, à moins de se traîner pour mourir dans un coin."

Paul Auster - Moon Palace

Alors, liberté désirée et conquise, ou liberté fatalité ? Honnêtement, je crois beaucoup plus en la seconde approche. La liberté conquise est déjà apprivoisée, normalisée, subordonnée à notre désir. La liberté qui vous tombe dessus et vous laisse assommé, qui ne vous donne pas d'autre choix que l'inconfortable nécessité de sortir des chemins balisés et du confort anesthésiant, celle-là existe indépendament de nous, n'est subordonnée à rien ni personne.

Entendons-nous bien : je ne parle pas ici de "ni Dieu, ni maître", "sans foi ni loi" ou d'anarchie. Je parle d'évidences. Je parle de ce moment fragile et impalpable de pure adéquation entre ce que nous sommes et ce que nous voulons.

Liberté intime donc. Et pourtant elle ne saurait être dissociée de l'autre. Le proverbe qui dit que ma liberté s'arrête là où commence celle des autres ne nous aidera pas beaucoup : allez-donc la fixer cette frontière ! Ce qui est certain c'est qu'aussi personnel soit-il ce concept de liberté n'existe qu'avec les autres et certainement pas contre les autres, hors des autres. On est libre lorsque nous nous trouvons dégagés des autres. Mais paradoxalement on n'exerce véritablement sa liberté qu'accompagné des autres... sinon c'est la tyranie, la liberté d'un seul (ou de quelques uns) contre tous.

"Cette rumeur que l'on entend, ce n'est pas la pluie
Il y a bien longtemps qu'il ne pleut plus.
Les fontaines se sont asséchées et la poussière s'accumule
dans les rues et dans les maisons.
Cette rumeur que l'on entend, ce n'est pas le vent.
Ils ont interdit le vent pour que ne se soulève pas
la poussière qui est partout
et que l'air ne devienne pas - disent-ils -irrespirable.

Cette rumeur que l'on entend, ce ne sont pas les paroles
Ils ont interdit les paroles pour
qu'elles ne mettent pas en péril
la fragile immobilité de l'air.

Cette rumeur que l'on entend, ce ne sont pas les pensées
On les a interdites pour qu'elles n'engendernt pas
la nécessité de parler
et que survienne, inexorablement, la catastrophe...

Et cependant, la rumeur persiste... "

Miquel Marti i Pol